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Revendications 2022

Pride Angers 14 mai 2022

UKRAINE

La Pride d’Angers lance un appel queer et féministe de soutien à la population ukrainienne, pour la paix, condamnant l’invasion russe voulue par Vladimir Poutine. Nous appelons à un cessez-le-feu et au retrait des troupes russes de l’Ukraine. Face aux crimes de guerre commis nous appelons à des poursuites pénales internationales. La sécurisation de l’autodétermination de l’Ukraine doit être une priorité.

Parmi la population ukrainienne nous pensons particulièrement à toutes les personnes lesbiennes, gays, bi, transidentitaires et intersexes, qui n’avaient déjà pas beaucoup de droits reconnus. Plus encore, la situation des personnes transidentitaires bloquées aux frontières de leur pays nous a ému·e·s et révolté·e·s. Notre soutien à toute la population ukrainienne passe par la prise en compte de la protection de ses minorités sexuelles et de genre.

Parallèlement, nous exprimons aussi notre soutien aux LGBTI+ russes qui vivent sous l’oppression d’un régime autoritaire niant la moindre expression publique d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

En France, l’accueil de la population ukrainienne fuyant la guerre a été facilitée et médiatisée. Preuve qu’accueillir massivement est possible. Cet accueil ne doit pas se faire au détriment des personnes demandeuses d’asile d’autres nationalités et, entre autres, de celles fuyant leur pays parce que persécutées en raison de leur homosexualité, transidentité ou intersexuation. En France, accueillons sans discrimination !

 

Lexique des transidentités, comprendre le vocabulaire utilisé ci-dessous, c’est ici.

TRANSIDENTITÉS, STOP À NOTRE PSYCHIATRISATION FORCÉE !

Cette année, nous, personnes transgenres, agenres, non-binaires, intersexes prenons la parole. Avec le soutien de la Pride d’Angers, nous appelons à la dépsychiatrisation totale de nos parcours de transition, à la dépsychiatrisation totale du regard social porté sur nos personnes, nos vécus.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), agence de santé de l’ONU, a définitivement retiré la transidentité de la classification des troubles mentaux le 1er janvier dernier. La nouvelle version de la classification internationale des maladies psychiatriques, la CIM-11, ouvre un nouveau chapitre de « conditions liées à la santé sexuelle », qui ne se réfère plus désormais à un modèle à deux genres.

La situation à Angers et en Maine-et-Loire

Ici, à Angers et dans le Maine-et-Loire, plus aucun·e endocrinologue n’accepte de suivre des personnes transgenres, intersexes majeures sans exiger comme condition première une attestation de psychiatre. Cette situation est inacceptable. Elle renvoie notre vécu de personnes transgenres et intersexes à la validation par un ou une tiers, qui ne connaît rien aux transidentités. On plaque sur nos vécus de genre des stéréotypes cisgenres et hétéronormés. Cette situation découle du lobbying de médecins autoproclamés de la SoFect, aujourd’hui Trans Santé France, qui avaient décrété une obligation de parcours psychiatrique de deux ans, avant de peut-être octroyer l’attestation pour entrer dans une hormonothérapie. La Haute Autorité de Santé, qui avait promu ce modèle en 2009, a depuis déclaré qu’il ne pouvait plus être appliqué. Pour autant, il perdure encore sous une autre forme.

Aujourd’hui à Angers et dans le Maine-et-Loire, nous personnes transgenres, agenres, non-binaires et intersexes, si nous n’avons pas les moyens financiers d’aller à Paris ou dans d’autres départements, où la psychiatrisation ne fait pas rage, nous sommes dans l’obligation de passer entre les mains des psychiatres. Nous ne l’acceptons pas. Nous exigeons que notre autodétermination soit respectée. Si nous souhaitons aller consulter psychologues, psychothérapeutes et autres spécialistes, nous voulons exercer ce choix sur le seul critère de notre pleine et entière liberté, et du principe souverain de notre système de santé : le libre choix de nos praticien·ne·s.

Nous interpellons la direction du CHU d’Angers qui a laissé s’installer une RCP (réunion consultative pluridisciplinaire) constituée d’endocrinologues, de psychiatres, de chirurgiens, de psychologues. Son principal représentant, le chef de service du service d’endocrinologie, impose la psychiatrisation à ses patient·e·s transgenres, avant d’envisager une hormonothérapie, en imposant un rendez-vous chez un psychiatre précis. Pour détourner notre colère, cette RCP s’est dernièrement déclarée compétente pour les seul·e·s mineur·e·s transgenres. Si elle traite bien des dossiers de mineur·e·s, nous sommes convaincus qu’elle ne se limitera pas qu’à elleux. Sinon, pourquoi y trouve-t-on des spécialistes qui ne traitent que les adultes, comme des chirurgien·ne·s, qui rappelons-le ne peuvent procéder à des opérations de réassignation que sur des personnes majeures. Quand bien même cette RCP ne traiterait que des mineur·e·s transgenres et intersexes, accepter en son sein tel ou telle membre qui pratique la psychiatrisation forcée, qui passe outre le consentement de son ou sa patiente, relève de pratiques qui nous mettent en colère.

Nous, personnes transgenres, agenres, non-binaires et intersexes, avec nos allié·e·s, interpellons l’Agence Régionale de Santé (ARS) sur cet état de fait psychiatrisant à Angers et dans le Maine-et-Loire. Nous exigeons que les personnes transgenres, agenres, non-binaires, et intersexes angevines, y compris les demandeuses et demandeurs d’asile, aient accès à des médecins qui déclenchent leur ALD-31 sur simple demande, sans refus ni discours psychiatrisant. Nous exigeons des endocrinologues formé·e·s qui fassent entrer en hormonothérapie les personnes qui en font librement la demande, parfaitement informées.

Nous exigeons de l’ARS qu’elle nous indique à quel·le·s médecins, endocrinologues, chirurgien·ne·s non psychiatrisant·e·s du 49 nous pouvons nous adresser. Maintenant ! Ce classisme médical nous met en colère.

Nous, personnes transgenres, agenres, non-binaires et intersexes, exigeons un nouveau paradigme médical. La médecine ne peut désormais plus prétendre traiter une pathologie dans le cadre de notre suivi. Elle doit nous accompagner au mieux dans nos parcours de transition et nous faciliter l’accès aux pratiques éprouvées pour nous permettre d’atteindre notre genre vécu. Le paradoxe est que nous devons combattre une médecine patriarcale, surplombante, alors que nous avons confiance dans les traitements aujourd’hui à notre disposition, qui ne cessent de s’améliorer.

Nous interpellons également la CPAM de Maine-et-Loire (Caisse primaire d’assurance maladie) qui exige parfois des preuves d’hormonothérapie pour accorder une ALD-31. Ce qui est une aberration.

La loi du 18 novembre 2016, dite de modernisation de la justice du XXIe siècle, a simplifié et déjudiciarisé la procédure de changement de prénom, en la confiant aux services d’état civil des mairies. Elle a également démédicalisé la procédure de changement d’état civil, de modification de la mention du sexe à l’état civil. Pour ces deux procédures, désormais plus aucune preuve médicale n’est exigible. Pourtant nombre de services ou de tribunaux les demandent encore.

Nous interpellons les services d’état civil de certaines mairies du Maine-et-Loire qui attendent des preuves médicales pour accorder un changement de prénom, voire qui adressent le dossier directement au procureur de la République sans le traiter, faute de connaissances. Cela doit cesser !

Nous, personnes transgenres, agenres, non-binaires et intersexes, allons devoir vous former ! Mais en attendant, nous payons le prix fort de la pathologisation et de la transphobie. En France, le risque suicidaire chez les personnes trans est sept fois plus élevé que dans toute la population. Nous ne pouvons plus le supporter !

Les conséquences de la psychiatrisation

Lorsqu’un encadrement psychiatrique est imposé aux personnes transgenres, son contenu implique bien souvent de se conforter à la binarité de genre de la société, en incitant les personnes trans à se rapprocher d’une image type, en incitant au changement d’état civil, en encourageant une hormonothérapie ainsi qu’en évoquant à répétition la pratique de chirurgies diverses. Pourtant, il n’y a pas de bonne façon d’être trans !

L’association systématique entre transidentité et psychiatrie a une influence négative sur la façon dont l’opinion publique perçoit les transidentités. Nos représentations médiatiques sont encore trop teintées de douleur, de sorte que les personnes concernées se sentent elles-mêmes accablées par ce poids. La transidentité n’est pas une maladie psychiatrique. Nous ne sommes pas une « épidémie ».

Certaines personnes transgenres sont susceptibles de traverser des périodes de mal-être ou de détresse psychologique dans leur vie sociale. Il est important de rappeler que nos transidentités plurielles sont aussi sources de fierté et d’émancipation.

Est-il si difficile pour la société d’envisager notre épanouissement dans des corps atypiques, que la médecine ne cherchera plus à corriger sans notre volonté ? Nos corps trans, hormonés ou non, opérés ou non, sont beaux et inspirants pour ce qu’ils sont, pour leurs existences tantôt poétiques, tantôt politiques. On nous préfère névrosé·e·s et enfermé·e·s dans notre peau, alors que nous sommes épanoui·e·s et libres dans nos intimités.

Nous, personnes transgenres binaires et non-binaires, agenres, intersexes, polygenres, genderfluid (…), sommes légitimes d’être fiers·ères de nos existences plurielles. La réappropriation de notre autodétermination pleine et entière est la condition de notre émancipation individuelle et collective.

Revendications élargies

Lorsque les mentalités ne veulent pas évoluer mais que le respect des droits humains l’exige, c’est à l’État de les faire changer. En 1975, le combat mené pour la légalisation de l’IVG sous certaines conditions était loin d’être acquis, mais c’est grâce à la promulgation de la loi que les choses ont pu changer.

Est-ce acceptable encore aujourd’hui que des spécialistes autoproclamés pathologisent la transidentité alors que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) l’a retirée de sa liste des maladies mentales ? C’est pourquoi nous demandons l’abrogation immédiate de ces protocoles hospitaliers psychiatrisant les transidentités !

Est-ce acceptable encore aujourd’hui de bafouer autant le principe d’autodétermination lorsque c’est à un·e juge d’apprécier les preuves d’une transidentité qu’une personne lui apporte ? Qui s’ennuierait à traverser ces limbes administratives si ce n’est pas pour faire triompher son identité ? C’est pourquoi nous demandons un changement complet d’état civil libre et gratuit, non plus devant les juges mais en mairie !

Est-ce acceptable encore aujourd’hui d’autoriser l’accès à la PMA pour certaines personnes trans, tandis que d’autres, selon si elles ont fait un changement d’état civil et selon les conditions légales et médicales classiques, s’en retrouvent privées ? C’est pourquoi nous demandons l’accès à la PMA pour toutes les personnes trans sans distinction, ainsi qu’une révision complète du droit français de la filiation.

Est-ce acceptable encore aujourd’hui de mutiler sans raison thérapeutique des enfants naissant avec un appareil génital qui ne convient pas aux standards d’une binarité illusoire ? C’est pourquoi nous exigeons l’arrêt de la médicalisation et des mutilations à outrance des personnes et des nouveau-nés intersexes.

Est-ce acceptable qu’en six ans depuis la loi du Mariage pour tous en 2013, seuls deux couples homosexuels aient pu adopter en France par les voies légales (chiffres de 2019) ? Les personnes LGB ont accès à l’adoption en théorie, elles exigent maintenant que ce droit soit effectif, alors concrétisez-le !

Aujourd’hui, les luttes queer qui espèrent mettre à mal le patriarcat, ne peuvent exister sans s’emparer des autres combats qui vont dans ce même sens. Aussi, dans une démarche intersectionnelle, voici une liste de revendications actuelles non exhaustives.

Aujourd’hui, une personne handicapée voit son allocation diminuer, voire être supprimée selon ce que gagne son ou sa conjointe chaque mois. Les personnes handis réclament la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé·e (AAH), alors donnez-leur !

Aujourd’hui et hier, les candidats aux élections présidentielles Jospin, Sarkozy et Macron avaient promis que plus personne ne dormirait dans la rue, alors que des dizaines de milliers de logements restent vacants. Les personnes pauvres méritent un toit, alors donnez-leur !

Aujourd’hui, les personnes non-blanches sont victimes d’un racisme d’État dans diverses situations qu’il serait bien trop fastidieux d’énumérer ici. Elles réclament que de véritables mesures législatives soient prises pour stopper ce phénomène, alors prenez-les !

Aujourd’hui, les personnes travailleuses du sexe ne peuvent toujours pas exercer leur activité dans des conditions décentes. Une partie de la communauté des personnes TDS réclament la dépénalisation des clients, alors faites-le !

Aujourd’hui encore, il reste une quantité de pratiques et de textes qui sont des vecteurs de discrimination. Le principe constitutionnel d’égalité s’assouplit et s’écarte dans bien trop de situations. Toutes les personnes minorisées et issues de minorités s’unissent pour vous demander d’y mettre un terme, alors agissez !

Luttons contre la transphobie

Aujourd’hui, nous lançons l’appel trans d’Angers, à l’occasion de cette Pride 2022. Nous appelons toutes les personnes transgenres, agenres, non-binaires et intersexes qui rencontrent des obstacles dans leur transition, leur quotidien social et professionnel, leur changement de prénom, d’état civil, à se fédérer, à entrer en contact avec nous. Ensemble, en regroupant nos dossiers, en saisissant le défenseur des droits, les tribunaux appropriés, en étant solidaires entre nous, faisons-leur ressentir et payer ce qui pèse sur notre santé mentale, le poids de la transphobie.

Organisons-nous collectivement. Ensemble plus fortes et forts que jamais ! Ensemble actrices et acteurs de notre vie !

A l’instar de l’ExisTransInter, et de son mot d’ordre 2022, nous pouvons affirmer : On vise l’autonomie, pas la survie !