Pourquoi nous marchons en 2025…

Manifeste de la Pride d’Angers 2025
Face aux réacs et à l’extrême droite,
nous sommes luttes et résistances !
Les combats gagnés sans que tout soit parfait
Ce premier quart du 21e siècle a été marqué par des avancées significatives en faveur des droits humains, en particulier pour les personnes LGBTI+. Leurs mobilisations, leurs combats sociaux et juridiques ont permis l’émergence de nouveaux droits ; le mariage, l’adoption, la PMA élargie, le statut de réfugié en lien avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Elles ont permis une reconnaissance positive des identités LGBTI+ ; retrait de la transidentité de la liste des maladies mentales, interdiction des thérapies de conversion.
Globalement, la société française vit une évolution profonde sur les sujets de l’identité de genre et sexuelle. On constate notamment une plus grande affirmation des identités sexuelles chez les moins de 30 ans. De plus en plus de personnes assument leur homosexualité ou transidentité dans un contexte professionnel, et des personnalités publiques peuvent afficher ouvertement leur vie de couple non hétérosexuelle.
S’il y a eu des avancées dans les droits sur le plan individuel, ce constat est à nuancer sur le plan politique. D’une part parce que le droit à un traitement indifférencié n’efface pas la persistance de violences et d’humiliations subies quotidiennement. On peut parler dans ce cas de LGBTphobies ordinaires. De plus, toutes les personnes LGBTI+ ne bénéficient pas des droits acquis, puisqu’ils s’inscrivent dans une logique d’effacement de la différence. Cette normalisation sert par ailleurs les partis de droite et d’extrême droite, dont la présence de personnes homosexuelles dans leurs rangs devrait nous faire oublier leurs politiques discriminantes. Les personnes queers ont le droit de ne pas vouloir rentrer dans des normes imposées. Il persiste un impensé sur le droit à la différence et l’inclusion sociale des personnes LGBTI+ en situations de handicap, de précarité financière et culturelle, de discrimination raciale. Les avancées institutionnelles doivent être intersectionnelles.
D’autre part, ces deux dernières décennies ont mis en lumière la persistance et le renfort des mouvements hostiles aux droits LGBTI+ particulièrement structurés : les réactionnaires et l’extrême droite. Ces constats sont d’autant plus alarmants par le manque de prise de position du gouvernement et des politicien·ne·s en général. Rappelons également les positions anti-trans du gouvernement qui, par omission délibérée, fragilisent un peu plus nos existences trans. Les hommes trans ont ainsi été volontairement exclus dans la loi pour la PMA pour toutes ou encore lors de l’entrée de la liberté à l’IVG dans la Constitution.
L’extrême droite, sa vision du monde et de la société
Son retour au premier plan de la vie politique en France comme dans la majorité des pays occidentaux, notamment l’Italie, l’Espagne, la Hongrie, la Pologne, la Russie, les USA, se révèle particulièrement inquiétant. Ces mouvances politiques ne constituent pas un bloc totalement homogène. Toutefois, elles partagent un certain nombre de valeurs et de méthodes. A l’instar de Donald Trump, elles se réfèrent régulièrement à la société comme à une entité vivante, complète et uniforme. Cette vision du monde est basée sur un ordre naturel fantasmé qui génère une phobie de l’autre ; l’étranger réel ou supposé, celleux qui ne se reconnaissent pas dans l’hétéronormativité ou le patriarcat. Les figures de l’altérité sont perçues comme une menace existentielle pour l’ordre social établi.
C’est pourquoi les logiques de rejet et de discrimination sont au cœur du projet politique des réactionnaires. Ils cherchent à fédérer une partie de la population par le biais d’une politisation des affects négatifs comme le racisme, la misogynie, l’homophobie, la transphobie, l’intersexophobie. Les réactionnaires vont cautionner, justifier et valoriser les discours et comportements haineux.
D’autres valeurs promues comme l’autoritarisme, le culte du chef, sont incarnées par des hommes politiques à la masculinité virile et toxique tels que Vladimir Poutine, Silvio Berlusconi, Donald Trump, Eric Zemmour, etc. Leur vision du monde impose de discipliner, de contrôler et de soumettre le corps de l’autre ; celui des femmes, des personnes queers, trans, racisées. C’est pourquoi leurs mouvements mènent d’intenses batailles juridiques et de lobbying pour attaquer l’avancée des droits. C’est par exemple le cas avec la décision de la Cour suprême du Royaume-Uni qui exclut les femmes trans de la définition juridique d’une « femme », allant dans le sens d’association de femmes transphobes.
En cas d’avancées sociétales difficiles à remettre en cause, comme le mariage des couples LGBTI+, l’extrême droite et les réactionnaires cherchent d’autres boucs émissaires comme les personnes transgenres. La transphobie et l’enbyphobie, le rejet des personnes non-binaires, constituent un nouveau moteur du combat politique des conservateurs. Depuis le retour de Trump aux Etats-Unis, la vie des personnes trans est mise en danger. Les parents et enseignants défendant la dignité des enfants trans sont désormais pénalement répréhensibles. Elon Musk parle même de « maladie » liée au prétendu « virus woke » pour justifier le rejet de son enfant trans. Les attaques des ultra-conservateurs visent également la promotion d’une véritable éducation à la vie affective et sexuelle pour les mineur·es. Ce qui constitue un terrain d’affrontement, de harcèlement et de diffamation. Le groupe américain Mom for Liberty est même considéré comme un dangereux mouvement extrémiste. Pourtant, il nourrit les discours des Mamans Louves et Parents vigilants, groupes français complotistes et homophobes proches du parti d’Eric Zemmour.
Les attaques répétées contre l’État de droit, c’est à dire le respect de la hiérarchie des normes, l’égalité devant la loi, la séparation des pouvoirs, constituent également une démarche commune à tous ces mouvements tant à l’étranger, comme la Hongrie de Victor Orban, les USA de Trump, qu’en France. Confère les propos de Bruno Retailleau ou de Marine Le Pen. La figure de Pierre-Edouard Stérin a par exemple tout pour inquiéter : ce milliardaire conservateur catholique et libertarien, critique de l’État, veut imposer ses thèmes dans le débat politique et ambitionne d’utiliser tous les moyens à sa disposition.
Ces dynamiques haineuses ne sont pas des phénomènes isolés et localisés. Une nouvelle internationale réactionnaire s’est formée et des alliances transnationales s’opèrent publiquement. Malgré la singularité de chaque société, on observe des traits communs : l’affaiblissement de l’État de droit et des contre-pouvoirs, la stigmatisation de catégorie de la population, comme les étrangers, les musulmans, les LGBTI+.
Réseaux sociaux et médias
SOS Homophobie pointe ces dernières années la haine en ligne comme principal contexte des LGBTIphobies, avec 23% des signalements. Et la tendance s’aggrave. Internet est aujourd’hui utilisé comme un relais de messages LGBTIphobes et une prolongation du harcèlement et des discriminations vécues dans le monde réel. Les insultes, le rejet, les menaces s’y déversent, banalisant ainsi les idées les plus dangereuses et légitimant les propos et les comportements haineux. On les retrouve ensuite dans l’espace public, au travail, dans l’enseignement secondaire et du supérieur, dans la famille, dans les stades…
Il est urgent de stopper cette dérive par la régulation des réseaux et la sanction des auteurs comme des responsables de ces réseaux sociaux. Elon Musk, Mark Zuckerberg ont stoppé le fact-checking de leurs réseaux, favorisant ainsi la diffusion de contenus et de messages mensongers. Au contraire, les algorithmes sont programmés pour rendre invisibles les contenus de sensibilisation LGBTI+, féministes, anti-racistes. Derrière le prétexte d’une vision tordue de la liberté d’expression, il y a un projet dangereux.
C’est également au travers de médias plus traditionnels que l’influence d’un projet réactionnaire se joue. Vincent Bolloré à la tête d’un empire de communication défend un projet évident : rejet des étrangers, stigmatisation de la diversité sociale, contestation des contre-pouvoirs… Entraînant nombre d’autres médias dans son élan, où il devient par exemple autorisé de débattre de la transidentité. Nos vies ne sont pas un débat, ces propositions médiatiques mettent en danger les personnes concernées. Plus globalement, on observe un glissement politique et médiatique vers un amoindrissement de la défense de la diversité, de l’égalité et de l’inclusion. Une volonté de ne pas blesser les conservateurs, une timidité dans la réaction des journalistes et des gouvernements s’instaurent. Cette timidité et autocensure se retrouvent aussi à des échelles locales, où l’on hésite parfois à parler des sujets qui fâchent et de dénoncer le glissement vers l’intolérance.
Se mobiliser face aux réactionnaires
Face aux réactionnaires, il est urgent de réagir. Nous avons besoin de garanties, mais aussi de moyens de les rendre efficaces.
Dans ce contexte inquiétant, nos mobilisations et notre détermination sont plus que jamais nécessaires. A l’instar des précédentes générations, qui ont permis l’émergence de nos droits fondamentaux, nous devons nous montrer intraitables face à ces mouvements hostiles et ainsi les combattre dans toutes les sphères, médiatiques, politiques, sociales, juridiques, quotidiennes. La solidarité doit rester une valeur de première importance. Elle doit s’incarner concrètement dans les liens avec les autres catégories de la population menacés par le projet de société de l’extrême droite ; les étranger·es, les femmes, les syndicalistes, les associations, les juges…
Ruralité
Le combat contre l’idéologie stigmatisante de l’extrême droite ne saurait oublier les campagnes. Ce n’est pas parce qu’on vit dans le monde rural qu’on vote d’extrême droite. Il y a dans les territoires une diversité qui s’ignore. A la campagne, il n’y a pas que des ignorants, des racistes et des homophobes. Il y a aussi de la générosité, de la compréhension, un réel soutien, un esprit ouvert et une autre identité à faire exister. Il y a aussi des membres de la communauté LGBT+ qui ne demandent qu’à y vivre sereinement.
Pour autant, le vote Rassemblement National est surreprésenté dans les petites communes. Ce vote d’extrême droite est lié à des causes structurelles à un isolement social et économique, éducatif, institutionnel, et à une plus grande perméabilité aux discours stigmatisants. L’extrême droite y voit une aubaine, envisageant de faire de certaines communes des laboratoires réactionnaires. Le projet Périclès de Pierre-Edouard Stérin a pour but de gagner plus de 300 villes aux prochaines élections municipales. Il soutient par ailleurs les implantations de groupes militants fascistes dans les plus petites villes. Les tiers-lieux inclusifs locaux deviennent déjà les cibles des attaques réactionnaires. Le Maine-et-Loire n’est pas exempt de cette montée réactionnaire, avec des situations préoccupantes dans certaines communes.
Résister contre l’extrême droite doit pouvoir se faire avec les campagnes et non contre elles. Il y a un énorme enjeu à recréer du lien, à montrer que les campagnes sont déjà et peuvent être ouvertes à toutes et tous, loin des jugements et des clichés qui peuvent persister. Il est essentiel de montrer que nous pouvons être qui nous sommes partout sur le territoire. Les membres de la communauté LGBT+ doivent pouvoir rester, revenir et vivre au-delà des métropoles. Ils et elles doivent pouvoir y faire le relais des mobilisations sociales, portées par des équipes municipales soutenantes, y faire vivre des exemples queers de proximité. En ce sens, les politiques culturelles et de solidarité doivent venir renforcer le maillage territorial, notamment dans notre région.
Nous devons réussir à conserver et créer de nouveaux liens, fédérer, porter un autre futur. La fierté rurale peut être un remède à des campagnes en mal d’identité tentées par l’extrême droite. Il est urgent de réagir, d’incarner et de porter cette fierté sur tous les territoires.
Appel aux solidarités des luttes à maintenir
Comment, alors, réagir face à l’extrême droite ? Comment soutenir l’évolution profonde de la société française face à une panique morale réactionnaire qui se structure et monte en puissance ?
Se contenter des droits individuellement acquis n’est pas suffisant, car le danger est politique et se reporte sur toute notre communauté. Une plus grande solidarité et adelphité doit s’installer entre nos luttes respectives, dans une expression de lutte contre le fascisme. Ce mouvement impacte les personnes LGBTI+ mais aussi les syndicalistes travailleur·euse·s, les journalistes, les causes féministes, antiracistes, écologistes. Nous voilà chacun et chacune bousculées par un mouvement autoritaire commun. Face à un danger qui nous dépasse, il faut faire preuve de solidarité entre minorités opprimées. Proposons une autre réalité inclusive pour toustes.
La Pride d’Angers, avant d’être une fête, est une manifestation et la commémoration d’une révolte. La Marche des Fiertés LGBTI+ a pour origine les émeutes de Stonewall, portées par des personnes trans, racisées, marginalisées et précaires, qui ne correspondaient pas à la norme. Le sens politique des Prides ne doit pas faire oublier que derrière la fête, il y a un combat antifasciste et antirépressif revendiqué. Célébrons la diversité, le droit à la différence, la dignité et l’émancipation des minorités.