Pourquoi nous marchons en 2024…
Manifeste de la Pride d’Angers 2024
Droits d’asile sacrifié
Droits humains menacés
LGBTI+ en danger !
La situation des LGBTI+ dans le monde
Dans de nombreux pays à travers le monde, il est refusé aux personnes LGBTI+ de bénéficier de droits fondamentaux et d’une vie paisible en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre (OSIG). Cela se traduit par un continuum de violences : insultes, harcèlement, discriminations (refus de fournir des prestations vitales : logement, emploi, soins), emprisonnement, voir la peine de mort. Les auteurs de ces persécutions peuvent être les membres de la famille, de la communauté, les autorités. L’hostilité globale vis-à-vis des personnes LGBTI+ les oblige à vivre clandestinement leur vie affective et sexuelle, ce qui a des conséquences préjudiciables sur leur bien-être physique et mental. Dans le monde, 69 pays sur 193 disposent d’une législation qui condamne l’homosexualité.
Ce chiffrage ne doit pas masquer des réalités répressives variables d’un pays à un autre. Dans 11 de ces pays, ce type de relation est passible de la peine de mort. Pourtant l’absence de législation répressive n’empêche pas les personnes LGBTI+ d’être exposées à des violences. La communauté se charge alors de se substituer aux législateurs pour exercer une police du comportement, n’hésitant pas à lyncher les individus suspectés. Au cours des dernières années, nous avons assisté à un durcissement de la législation et de la répression à travers le monde.
C’est pourquoi, chaque année, des milliers de personnes LGBTI+ fuient leurs pays, contraintes de s’exiler en Europe, en quête de protection.
Sur le chemin de l’exil
Le parcours pour arriver jusqu’en Europe est particulièrement difficile, voire périlleux. Les dangers sont nombreux : conditions extrêmes dans le désert ou sur la mer, mais aussi agressions, viols… À cela s’ajoutent la brutalité des passeurs et parfois la disparition dramatique sous les yeux de son compagnon ou de sa compagne, quand le bateau chavire. C’est la source de beaucoup de traumatismes physiques et psychologiques, mais l’OFPRA (1) et la CNDA (2) n’y attachent aucune importance, car seule compte à leurs yeux l’histoire vécue dans le pays d’origine par la personne demandeuse d’asile.
Procédure de demande d’asile
L’entretien à l’OFPRA est le passage obligé pour demander l’asile. La personne demandeuse d’asile est d’emblée considérée comme une menteuse. Cet entretien est mené de façon à déstabiliser et à piéger la personne. L’entretien est souvent très court. Quant à la CNDA, les juges doivent assurer des audiences expéditives. Comment, dans ces conditions, une personne LGBTI+ peut-elle convaincre l’OFPRA ou la CNDA de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ? Comment peut-elle démontrer qu’elle a subi des menaces et des violences pour ces raisons, et qu’un retour au pays mettrait probablement sa vie en danger ?
Conditions matérielles d’accueil
L’État est censé assurer aux demandeuses et demandeurs d’asile un hébergement et des moyens suffisants pour se nourrir et s’habiller. Cependant, une personne sur deux n’est pas hébergée, ce qui signifie que beaucoup sont à la rue. L’allocation mensuelle est souvent insuffisante pour acheter la nourriture, les vêtements, l’abonnement téléphonique, régler les déplacements urbains et les voyages à Paris pour aller à l’OFPRA ou la CNDA. Depuis 2020, les personnes en demande d’asile ne sont plus couvertes par l’assurance maladie durant leurs premiers mois de procédure. Avec de telles conditions de vie et une très grande précarité pour celles et ceux qui ne sont pas hébergés, préparer l’entretien de l’OFPRA ou l’audience à la CNDA est d’autant plus difficile.
La loi Darmanin
La version définitive de la loi Darmanin comporte un certain nombre de dispositions dangereuses pour le droit d’asile en France. En autres, l’introduction de la demande ne se fera plus à l’OFPRA mais en préfecture. L’annonce des motifs de la demande d’asile en préfecture et l’accélération de la procédure vont encore augmenter les difficultés des personnes LGBTI+ qui ont besoin de temps et d’un lieu où ils sont en confiance pour révéler leur histoire. Selon la nouvelle loi, la CNDA deviendra une cour de justice à juge unique, au lieu des trois juges actuels. Celui qui était nommé par le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), donc avec des compétences dans le domaine de l’asile, est supprimé…
Inquiétudes sur l’asile en Europe
La politique de l’asile se décide aussi au niveau européen, par exemple le « règlement Dublin » qui oblige la personne en demande d’asile à la faire dans le premier pays européen où elle entre. Cela signifie qu’une personne LGBTI+ demandeuse d’asile peut être transférée vers un pays européen qui applique une politique défavorable ou non protectrice pour les personnes LGBTI+, comme la Hongrie. La commission européenne a voté un projet qui prévoit « le filtrage des migrants en situation irrégulière lorsqu’ils arrivent dans l’Union européenne », sachant que la très grande majorité des demandeuses et demandeurs d’asile sont en situation irrégulière quand ils arrivent… Le rêve de nombreux responsables politiques français et européens est qu’on externalise la demande d’asile, c’est-à-dire que la personne fasse sa demande à partir de son pays d’origine ou d’un autre pays hors de l’Europe. Ce serait la fin du droit d’asile, y compris pour les personnes LGBTI+ persécutées dans le monde.
Intégration des réfugié·es
L’écart entre, d’une part, les exigences importantes exprimées par l’État en matière d‘intégration des étranger·es et, d’autre part, les moyens alloués dédiés à cette mission, ne peut que nous interroger. À titre d’exemple, un exilé ayant obtenu le statut de réfugié se voit placé sous la protection de l’OFPRA, qui a notamment pour mission de se substituer aux autorités du pays d’origine afin d’établir certains documents administratifs (acte de naissance, livret de famille). Le délai d’attente pour obtenir ces documents ne cesse de s’allonger (parfois entre 12 et 18 mois), faute de moyens humains suffisants. Sans un acte de naissance établi par l’OFPRA, une personne exilée transgenre ne peut pas débuter son parcours de transition social et médical. Elle devra alors vivre avec un état civil en inadéquation avec son genre pendant plusieurs années.
Les débouté·es du droit d’asile
Le cadre de la procédure française de demande d’asile met en très grande difficulté les exilé·es LGBTI+. Leurs récits de vie peuvent être remis en cause et entraîner un refus d’admission au statut de réfugié·e. Les conséquences sont terribles pour les débouté·es du droit d’asile : négation de leurs identités et de leurs histoires personnelles, perte de l’hébergement et des ressources.
Sans autorisation de travail, ces personnes sont contraintes d’accepter des emplois non-déclarés, de se prostituer afin de pouvoir survivre. Sans oublier le risque d’un retour imposé par les préfectures dans leur pays d’origine, synonyme d’exposition à des traitements dégradants et de mise en danger.
Le rôle des associations
L’apparition de ce public sur le territoire au cours des 25 dernières années a poussé de plus en plus d’associations LGBTI+ à proposer des services dédiés à leurs besoins. Les bénévoles de ces structures ont comblé un vide laissé par les pouvoirs publics. Concrètement, ils ont su faire vivre des espaces d’accueil, de socialisation et de soutien (santé communautaire, appui juridique, hébergement etc.), indispensables à l’équilibre de ces exilé·es. Leurs actions sur le plan juridique et le plaidoyer incessant mené en direction des autorités ont conduit à une reconnaissance de la spécificité LGBTI+ dans le cadre de l’exil. Notre indépendance et notre vigilance doivent rester intactes sur ce sujet.
Nous, associations, collectifs, fondation LGBTI+, avons su faire vivre un principe de solidarités transnationales, dans une logique de fraternité, de sororité, d’adelphité. Poursuivons ce combat tant qu’il le faudra !
La santé sexuelle un axe fort en appui à la lutte contre la sérophobie
Pour combattre la sérophobie, de façon générale, la lutte passe par les sphères familiales, mais aussi professionnelles et accompagnantes. Toutes les formes de LGBTIphobies font le lit des épidémies.
Elles impactent l’estime et la confiance en soi. Elles favorisent les prises de risques liées au VIH et aux IST. Elles éloignent également les personnes du soin, en raison du jugement de certains médecins, des discours moralisateurs, et réduisent le recours aux dépistages et à l’accès au matériel de prévention, comme les préservatifs et les kits d’injection.
En 2022, 43% des infections à VIH ont été découvertes à un stade tardif. Il est plus que temps de diversifier l’offre de dépistage. Se faire régulièrement dépister, via votre médecin, en labo sans rendez-vous et gratuitement, en CeGIDD c’est possible. En cas d’infection, la mise sous traitement permet en ayant une charge virale indétectable de ne plus transmettre le virus.
Dans le domaine de la santé, nous exigeons la prise en compte des différences de genre dans la création, les essais et les évaluations des traitements VIH.
Parcours de transition : halte à la psychiatrisation !
Les parcours de transition pour les personnes transgenres, agenre ou non-binaires sont encore et toujours synonymes d’obligations psychiatrisantes. Bien qu’une légère embellie existe désormais en Maine-et-Loire, elle reste encore très, trop fragile. Nous exigeons l’arrêt des exigences d’attestations ou de rendez-vous chez un·e psychiatre pour valider un début d’hormonothérapie, voire la programmation d’opérations liées au parcours toujours unique de chaque personne concernée.
Transphobiemania
La transphobie ne cesse de s’exprimer au quotidien, invalidant toujours et encore les personnes transgenres dans leur ressenti et identité. Le refus d’intégrer les hommes trans dans le principe relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, désormais inscrit dans la Constitution, en dit long sur l’état d’esprit. Ce n’est pas un oubli. C’est une volonté. La transphobie fait florès au point que les attaques coordonnées par livre et proposition de loi sont menées pour renvoyer nos minorités à la psychiatrisation que nous refusons. Les chantres de la haine transphobe s’expriment de pages et pages, ivre de leur délires liés à la sexualité, jusqu’à l’écœurement, alors que l’identité de genre est un ressenti intrinsèquement propre à chaque personne.
Comme si cela ne suffisait pas, une proposition de loi d’une sénatrice LR sera mise à l’ordre du jour du Sénat visant à interdire l’accès aux hormonothérapies aux mineur·es transgenres. La machine à thérapies de conversion et de psychiatrisation est en marche pour répondre à une panique morale, au nom de la prétendue protection due aux enfants. C’est au contraire les exposer à un mal être tragique et inhumain, à un risque suicidaire des plus élevé.
Pour nous qui les recevons, les rencontrons, ces mineur·es doivent être écouté·es, compris·es et accompagné·es dans leur parcours. Les thérapies de conversion binaires et hétéronormées, il n’en est pas question !
En réponse à ces attaques et discours de haine, nous exigeons la reconnaissance de l’auto-détermination.
Les personnes intersexes toujours sans droit
Les thérapies de conversion continuent à exister en France, pratiquées sur les bébés intersexes. Nous dénonçons les mutilations que le corps médical leur impose inutilement, les privant du choix qui pourra être éventuellement être le leur à l’âge de raison. Les réalités et vécus des personnes intersexes doivent être mis en lumière afin de permettre à ces personnes d’obtenir des droits dont elles sont totalement dépourvues. Les discriminations qu’elles subissent ne sont pas reconnues. Nous soutenons le Collectif Intersexe activiste (CIA-OII) dans son travail et ses revendications.
Fichiers contre nos libertés fondamentales
Nous dénonçons deux fichiers nouvellement créés. SISPoPP pour « système informatisé de suivi de politiques pénales prioritaires » est en cours de déploiement dans les tribunaux. Autorisé par un décret paru en octobre 2023, il détient des données personnelles particulièrement sensibles, comme les opinions politiques ou les orientations sexuelles, pour certains cas. Il nous inquiète, ainsi que les syndicats de la magistrature et des avocats de France. SISPoPP devait permettre aux juges d’accéder à davantage d’information lorsqu’ils doivent statuer sur des affaires de violences familiales. Le fichier a depuis été élargi à d’autres secteurs. Courant décembre dernier, un arrêté ministériel a autorisé la création d’un fichier de recensement des changements d’état civil. Accessible par la police et présenté comme une simplification administrative, ce texte aboutit en réalité à la constitution d’un fichier plus que douteux, notamment des personnes transgenres, centralisant des données très sensibles, et propice à de nombreuses dérives. Les deux fichiers ont été attaqués devant le Conseil d’État.
(1) OFPRA : Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, administration chargée de statuer sur les demandes d’asile.
(2) CNDA : Cour Nationale du Droit d’Asile : juridiction chargée de statuer sur les recours formés contre les décisions de l’OFPRA.